• Un potager sur le sol des Graves

    Sur la terre à vigne du bordelais, Jean-Marie Lespinasse, chercheur, réussit tout, en restant au plus près de la nature. Conférencier, auteur, il fait partager ses expériences dans son jardin.

    PotagerLa visite débute devant le vignoble, sous les chênes qui bordent la propriété au-dessus d’un fossé. Jean-Marie Lespinasse montre une coupe du terrain : « Nous sommes sur le sol caillouteux des Graves : l’AOC viticole est réputée, mais à part la vigne, rien ne pousse », commente- t-il en faisant soupeser l’alios. « Sous les arbres pourtant, la terre devient fertile naturellement, sans apports ni labour, grâce à l’humus des feuilles décomposées. Pour mon potager, je prends exemple et c’est tout ! ».

    Issu d’une famille d’agriculteurs de cette terre viticole, ce jardinier a mené une carrière à l’INRA sur la création variétale chez le pommier. Doué pour l’observation, il conduit ses nouvelles expériences dans le potager familial, et veut les faire partager au plus grand nombre : « Quand je reçois des jardiniers de ville décidés à renoncer aux pesticides, et que des jeunes repartent avec l’envie de produire des légumes, j’ai l’impression que nous allons dans le bon sens ». Lui-même a mené beaucoup d’expériences depuis 1966.

    Il a aligné beaucoup de légumes, retourné souvent la terre, avant d’en arriver là, sans repousser le pouvoir de la chimie, même s’il est intéressé à la rotation des cultures afin de traiter le moins possible. Vingt ans plus tard, il décide de laisser le sol se régénérer de lui-même avec la matière organique disponible en surface, comme dans un sous-bois. Petit à petit, les lignes du potager se creusent en passages étroits (50 cm de large), les planches de culture prennent du relief en longs plateaux larges de 1,20 m, la taille optimale pour atteindre toutes les plantes sans effort.

    Une fois la butte constituée avec la terre excavée des sillons, le sol n’est plus jamais remué. Seules les plantations enrichissent le sol, accompagnées de leur dose de compost issu de la lombriculture* et de paillis de type « bois raméal fragmenté », rapporté à chaque rotation. La culture surélevée, dite « en ados », connue pour améliorer l’aération et le drainage, n’entraîne ici aucune perte : ni de terre car celle-ci est retenue par des planches latérales, ni d’eau puisque les excès s’écoulent dans les creux et restent disponibles en sous-sol.

    * Élevage du vert du fumier, Eisenia foetida.

    Les cultures bénéficient aussi d’un environnement sanitaire qui permet de se passer de traitements. La méthode repose sur la diversité et sur la dispersion qui crée une jolie mosaïque colorée. Dans ce tissu très étudié, chaque mini-parcelle de carottes (10-20 au total) a son cercle de poireaux pour la protéger de la mouche, chaque chou a son brin de tanaisie, et la fève ne côtoie jamais l’ail ou l’oignon… Des salades se glissent sous les derniers pieds de tomates, les betteraves et céleris s’étaleront après le départ des poivrons et des aubergines. Seuls les encombrants artichauts, fraises et endives ont leur planche à eux en bout de rangs. La ronde tourne sans faiblir… « Revenez en hiver, le potager a un autre aspect avec ses voiles de protection, mais il reste abondant », conclut le jardinier.

    En pratique

    Jean-Marie Lespinasse fait visiter son jardin, au sud de Bordeaux, aux groupes scolaires, aux jardiniers des collectivités et aux amateurs. Tél. 05 56 20 26 74. jean-marie.lespinasse@wanadoo.fr .
    ● Il est l’auteur du Jardin naturel, et des Fruits retrouvés (prix Redouté) avec Evelyne Leterme du conservatoire végétal régional d’Aquitaine, Éd. du Rouergue.

    Reportage et photos réalisés par Béatrice Pichon.
    Mon Jardin & Ma Maison N°602 Mars 2010

    « »